MADE in MED à Rome

Posted on Avr 20, 2018

Réalisation d’interviews et de reportages vidéo lors de l’événement MADE in MED à Rome en Italie sur le changement climatique en Méditerranée.
Interreg / econostrum
Vidéos : Stéphane PACHOT
Articles : Jean Christophe BARLA

Voir les 29 vidéos dans la playlist ci-dessous :

Les articles :

Made in MED dessine le futur de la Méditerranée
Plus de 800 participants ont pris part à Rome les 18 et 19 avril à « Made in MED » afin d’évaluer l’avancée des projets du programme Interreg Mediterranean pour la période 2014-2020. Fragilisée, soumise à d’innombrables pressions, la Méditerranée a besoin de protection. Mais elle reste un environnement riche de promesses pour les pays qui l’entourent. Aucun des experts invités n’a dissimulé l’ampleur de l’enjeu. Les initiatives en cours et à venir maintiennent l’espoir d’une restauration durable, avec la volonté d’y associer les Etats du sud.

« Forger la Méditerranée du futur » ne s’édifiera pas sans la coopération institutionnelle la plus large, locale, régionale, nationale et européenne. Mais tous les citoyens doivent aussi y être étroitement associés car chacun de leurs gestes et comportements impacte la santé de cet espace fragile, menacé par toutes sortes de pressions démographiques, touristiques, industrielles, commerciales… Comment trouver l’organisation la plus efficace ? Comment s’assurer que les succès des projets et expérimentations de terrain débouchent sur des stratégies et des décisions déclinables (et appropriables) au niveau méditerranéen ? Ces questions ont traversé l’ensemble des débats du colloque « Made in MED » tenu les 18 et 19 avril 2018 dans l’amphithéâtre del Massimo, à Rome. L’événement effectuait un point à mi-parcours du programme de coopération Interreg MED 2014-2020, initié par la Commission européenne et cofinancé par le Fonds Européen de Développement Régional (Feder), pour treize pays de la rive nord de la Méditerranée. « La politique de coopération territoriale est dans l’essence du projet européen, souligne Beatrice Covassi, responsable de la représentation de la Commission Européenne en Italie. Nous devons démontrer la valeur ajoutée de nos actions pour la vie quotidienne des citoyens et accroître leur impact en améliorant la dimension stratégique de nos programmes pour la Méditerranée, en simplifiant aussi leur management, le système de contrôle… Quand on multiplie les projets, le risque existe qu’ils n’atteignent pas les citoyens ».
Garantir la continuité, renforcer la cohésion
275 millions d’euros sont consacrés au financement de projets regroupés en trois axes prioritaires recouvrant huit thématiques : croissance bleue, croissance verte et innovation sociale et créative pour le premier, bâtiments efficaces, énergies renouvelables et transports urbains pour le deuxième, tourisme durable et protection de la biodiversité pour le troisième. Quatre-vingt-dix projets ont été approuvés pour l’heure pour un montant global de 176 millions d’euros. Un quatrième axe ajoute un 91ème projet, Panoramed, concentré sur la gouvernance la plus efficiente. Une multitude d’études, d’expérimentations, d’initiatives, ont émergé, avec déjà, des effets réels et concrets. Ces « usines à idées » ont été explorées dès le premier jour de « Made in MED ». « Les résultats obtenus attestent du succès de l’échafaudage et des piliers sur lesquels est établi le programme. Nous devons capitaliser sur ces avancées, renforcer leur cohésion et garantir la continuité de cette politique stratégique » souligne Maria Ludovica Agro, directrice générale de l’Agence pour la Cohésion Territoriale de l’Italie. Tarja Richard, directrice de l’Autorité de Gestion de la Région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur, insiste pour sa part sur la nécessité d’augmenter leur visibilité, d’exposer qu’ils poursuivent les mêmes buts : « La Méditerranée ne doit pas être divisée en petits bouts. Nous devons défendre cette position ».
Plus d’acteurs mais une seule voix
Lors de la deuxième journée, plus politique, les réflexions se sont concentrées sur les synergies à établir avec d’autres programmes européens, sur la construction d’une approche commune avec la rive sud et sur les perspectives après 2020. « Nous devons affirmer le rôle stratégique de la Méditerranée au sein de l’Union Européenne pour jeter les bases d’un avenir qui permette de répondre aux défis » martèle le ministre de la cohésion territoriale de l’Italie, Claudio de Vincenti, en souhaitant ardemment une confirmation des programmes de coopération, depuis les régions jusqu’au niveau européen, et un cadre plus explicite pour les relier à la politique européenne. Agnès Rampal, présidente de la commission Euroméditerranée de la Région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur, se réjouit qu’Interreg MED ait engendré entre tous les acteurs une « solidarité de fait méditerranéenne » qui transforme les challenges en opportunités. « Le programme contribue à ce que notre zone parle d’une seule voix à la Commission Européenne tout en étant reconnue dans sa spécificité de puissance commune et partagée. Si la Méditerranée ne représente qu’1% de la surface des océans de la planète, il serait inopportun d’avoir une politique de mini-bassin. Nous voulons donc lancer un véritable agenda positif pour la Méditerranée. Jean-Paul II avait dit que l’Europe devait respirer avec ses deux poumons, Est et Ouest. Il nous faut travailler ensemble, rive nord et rive sud, sur tous les défis du pourtour méditerranéen. J’espère que les futurs programmes européens le permettront ».

Article 2

Changer les façons de penser sur le changement climatique
C’est désormais un fait plus qu’une inquiétude : les bouleversements climatiques n’épargnent pas la Méditerranée. Les projets d’Interreg MED s’emploient à en prévenir et limiter les effets.
Grâce aux coopérations instaurées au sein du Programme Interreg MED sur le changement climatique, près de 230 sites pilotes et « living labs » se concrétisent dans les 13 pays membres, mais aussi 25 technologies innovantes, plus de 210 outils et instruments de planification, une cinquantaine de méthodes et d’évaluations en R&D… « Les pays méditerranéens n’ont pas beaucoup contribué au changement climatique, mais ils en subissent les impacts » confie Ana Maria Paladus, activatrice de responsabilité sociale de la Fondazione Ecosistemi. Augmentation des températures, réduction des précipitations, acidification de l’eau de mer, augmentation du niveau de la mer, dégradation des sols, diminution de la biodiversité, intempéries violentes… Ces bouleversements ne seront pas sans conséquence pour l’alimentation et la santé des populations, l’aménagement des villes côtières, les mobilités touristiques, les zones urbaines ou rurales… Interreg MED permet d’accroître les connaissances et la compréhension des risques qui pèsent sur les territoires, d’analyser leur vulnérabilité et de travailler, déjà, à leur adaptation et même à leur résilience future. Barbara Sarnari, vice-présidente de l’association SVI-MED (EuroMediterranean Center for the Sustainable Development), réclame une cohérence, une continuité dans les approches pour que les citoyens aient confiance pour s’investir et que leurs actions engendrent vraiment des effets positifs. « Ils doivent devenir des ambassadeurs capables, par leurs initiatives, de changer les pratiques et les décisions politiques ».
Pistes d’action multiples
Tous les domaines offrent matière à peser. En matière d’agriculture et d’alimentation, la préservation des espaces agricoles contre l’expansion urbaine, la promotion des circuits courts, la diffusion des travaux scientifiques, l’intégration de nouvelles technologies, un meilleur partage économique entre acteurs de la production à la distribution, apparaissent comme des pistes potentiellement fructueuses. « Il faut passer d’une politique agricole à une politique de nourriture » insiste Arnau Queralt, président du réseau européen des Commissions consultatives sur l’environnement et le développement (EEAC) et directeur pour la Catalogne. Le maintien de la biodiversité ne doit pas être perçu comme contraignant pour Ameer Adbulla (Commission Mondiale sur les Aires Protégées) : « Les systèmes naturels ont beaucoup de ressources pour stocker du carbone, empêcher qu’il se diffuse dans l’atmosphère. Quand nous protégeons des espèces, nous protégeons donc aussi l’écosystème global qui permet de réduire les impacts du changement climatique ». Il regrette que la croissance des aires marines protégées s’opère encore trop lentement. Pour Gianmaria Sannino, directrice du Laboratoire de Modélisation du Climat à l’Agence Nationale Italienne pour les Nouvelles Technologies (Energy and Sustainable Economic Development) dans les énergies renouvelables, sur terre comme en mer, la généralisation des productions locales fournira aussi des solutions durables au fur et à mesure que progresseront les technologies de stockage intelligent et d’intégration aux réseaux électriques généraux. L’encouragement à un tourisme plus « voyageur » que « consommateur », les restrictions imposées aux véhicules diesel, la limitation de la déforestation ou le développement du télétravail constituent d’autres voies explorées par les projets d’Interreg MED pour la mitigation des changements climatiques et pour l’évolution des mentalités des générations qui, aujourd’hui et demain, devront s’y atteler.

Article 3

Economie bleue : à la recherche du juste équilibre
La Méditerranée reste un formidable espace pour le développement de nouvelles activités. Mais sous conditions.
« La croissance économique évolue avec la décroissance du capital naturel. Il est impératif de la maîtriser sans attendre que la nature nous arrête et donc adapter les lois économiques à la nature » indique Ferdinando Boero. Le professeur de zoologie à l’Université de Salento pose l’enjeu pour les projets d’Interreg MED en matière de croissance bleue et verte. « Si nous utilisons une partie de la terre ou de la mer pour produire quelque chose, nous détruisons en même temps autre chose. Nous devons donc avancer sur des logiques d’économie circulaire » souligne pour sa part Diego Vicinanza, professeur d’économie côtière (Université de Campanie « Luigi Vanvitelli »). Sous ses différents pans (énergies renouvelables, transports, agriculture, biotechnologies…), l’économie bleue représenterait 500 milliards d’euros de valeur ajoutée. Les projets d’Interreg MED s’attachent à trouver le bon équilibre en s’appuyant au maximum sur les opérateurs et usagers locaux afin d’inscrire les actions dans un modèle durable, qu’elles concernent l’utilisation des ressources naturelles, la surveillance maritime, l’emploi, l’innovation technologique, le tourisme, la culture, l’éducation… « Il faut réduire les concurrences et conflits entre les projets » affirme Spyros Niavis (Université de Thessalie), « s’assurer de ne pas surexploiter les mers » ajoute Dania Abdul Malak (ETC-UMA, Université de Malaga) en constatant que « les modèles économiques et sociaux sont en train de changer ».
Comprendre pour mieux décider
Pour y parvenir, Zeljka Skaric (Regional Centre of UNEP/MAP responsible for Integrated Coastal Zone Management) défend une appréhension transversale de la question en montrant que « l’environnement peut devenir stratégique pour tous les autres secteurs », par exemple, le tourisme aussi générateur de ressources qu’il peut être destructeur. La science, en produisant des données de qualité, aidera les politiques à décider de manière mieux informée, la planification à ne négliger aucun paramètre dans la résolution des conflits éventuels. Une collaboration plus approfondie entre universités et entreprises peut également y contribuer, selon Lisandro Benedetti Cecchi, professeur d’écologie (Université de Pise). « Il me semble nécessaire de préparer les nouvelles générations d’experts de l’économie bleue pour mieux comprendre les principes économiques et écologiques, mieux cerner les interactions et conséquences qui découlent des pressions individuelles afin d’appréhender les dynamiques de systèmes et trouver des solutions respectueuses des équilibres. Surveillance et contrôle sont aussi d’une importance fondamentale pour observer les changements de la biodiversité. Or, nous ne disposons pas de ces outils » dit-il, réclamant, de fait, de conserver le principe de précaution. Toute l’Europe aurait à gagner à promouvoir les moyens qui l’ont aidée à bâtir un modèle innovant équilibré, selon Yannis Chatjigeorgiu (Ecole d’Architecture Navale et d’Ingénierie Marine, Athènes). « Elle pourrait exporter ses technologies et savoir-faire pour de nouvelles opportunités de croissance » assure-t-il.

Article 4

Croissance inclusive : construire une expansion mieux partagée
La croissance ne se bâtit pas sur la seule volonté institutionnelle et publique. L’atteindre impose d’associer une multitude d’implications individuelles, entrepreneuriales, scientifiques, sociales…
L’exemple, objet du projet Interreg MED « FishMPABlue2 », parle de lui-même pour résumer les fondements d’une croissance inclusive : « La pêche artisanale risque de disparaître bientôt car la pêche industrielle prélève 70% de la production. Or, elle représente 70% des emplois » explique Luca Santarossa. Selon le gestionnaire de ce projet de gouvernance de la pêche dans les aires marines protégées, onze sites-pilotes collectent aujourd’hui les expériences en vue de l’élaboration d’un mode de management qui permette aux pêcheurs artisanaux de préserver leurs activités et leurs besoins économiques et sociaux. D’autres projets se concentrent sur l’appréhension et la gestion des conflits d’usages dans les villes côtières, les zones humides, la réduction des déchets en mer, l’invasion des plastiques…  Tulja Hirvikovski, présidente de l’ENOLL (European Network of Living Labs), perçoit la croissance inclusive comme « une forme de démocratie » qui démontre aux citoyens qu’ils « peuvent aider à trouver des solutions, à tester et évaluer les projets. Et ainsi faire partie du processus de décision d’allocation des fonds pour qu’ils engendrent des bénéfices pour toutes les parties prenantes ». Interreg MED s’emploie à concevoir les outils et pratiques qui visent à ce résultat.
Culture d’engagement social
Chercheur international et consultant, Francesco Molinari estime que le Programme peut révéler, par les coopérations engagées et les initiatives qui en découlent, une sorte de « Med Touch », porteuse de compétitivité. Les illustrations sont diverses à ses yeux pour promouvoir cette identité méditerranéenne, avec des « clusters » engagés dans le tourisme, les industries de la mode et du textile, la culture, les énergies renouvelables… « C’est être considérés avec nos initiatives, notre histoire, notre culture… » ajoute Jesse March (Formez-Atelier Studio, Palerme). Inclure concerne les citoyens, mais aussi les organismes de recherche, les entreprises, les autorités publiques, parce que « améliorer les connaissances sert à la coproduction de l’innovation et fait office de levier à une culture de l’engagement social » rappelle Marco di Ciano (InnovaPuglia, région Apulia), soucieux d’ « éliminer les barrières ». Ce vœu n’est pas le plus aisé à concrétiser. Le manque de formation, l’isolement de certaines catégories de populations, le manque d’ouverture des administrations, l’éloignement de la prise de décision… peuvent freiner l’envie de s’intégrer dans les réflexions et projets. Damiano Petruzzella (Centre international de Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes, Bari, Italie) l’a constaté à maintes reprises mais il s’avoue convaincu que les nouvelles générations sont prêtes à des approches plus inclusives vis-à-vis des populations les plus marginalisées, qu’elles qu’en soient les raisons. « Quand un processus devient réellement participatif, il crée de l’enthousiasme et les gens s’investissent, assure Sergio Andreis, directeur du club Kyoto. Il faut donc faire passer le message qu’Interreg MED a produit des résultats pour que ses moyens soient accrus après 2020 ». Pour Enrique de Villamore (UNEP-MAP, Regional Activity Centre for Sustainable Consumption and Production), « Nous pouvons admettre la prise de risque dans le financement d’un projet, mais accepter aussi de regarder son potentiel de réussite. Actuellement, ne rien faire ferait courir le plus de risques ».

Article 5

Conforter et élargir la coopération méditerranéenne
Comment généraliser et accroître l’impact en Europe et en Méditerranée des résultats des projets d’Interreg MED ? La 2ème journée de « Made in MED » a listé des souhaits pour l’après 2020. L’ouverture à la rive sud apparaît comme une volonté commune. 
Tous les experts conviés à s’exprimer durant la 2ème journée de « Made in MED » ont reconnu les retombées effectives du Programme Interreg MED. Tour à tour, ils se sont réjouis de son « architecture novatrice », de ses « fertilisations croisées », de la « culture de coopération » qu’il a contribué à bâtir. « A son lancement, l’architecture du programme pouvait ressembler à une usine à gaz. En évoluant dans le temps, elle a démontré son caractère concret » confie Curzio Cervelli, (Secrétariat Interreg MED). « Mettre en cause l’impact des projets, c’est de la mauvaise foi ou de la méconnaissance » renchérit Vincent Ernoux, coordinateur du Bureau de Liaison à Valence du Programme IEV CTF « Bassin Maritime Méditerranée » (ENI CBC MED). Il reste impératif d’apporter des améliorations dans la gouvernance des projets et leur diffusion afin d’ouvrir une possibilité d’extension, sur les thématiques les plus communément partagées, à d’autres pays.  « L’Europe n’est pas loin de la rive sud de la Méditerranée, les conflits montrent qu’elle ne peut pas s’isoler » insiste le professeur Abdelhamid El-Zoheiry, président de l’Université euroméditerranéenne de Slovénie.
Simplification et cohérence
Pour le futur de la coopération méditerranéenne, Interreg MED ne doit pas concentrer la portée de ses avancées sur les seuls pays qu’il associe. Les expériences engrangées peuvent servir à d’autres zones européennes, dans l’Atlantique, la Baltique ou l’Adriatique. « Parce qu’Interreg est intersectoriel pour ses membres, il parle à d’autres acteurs. Ses bonnes pratiques sont transférables à l’échelle transnationale » affirme Dania Abdul Malak (ETC-UMA, Université de Malaga). Le changement climatique, le tourisme durable, la sûreté et la surveillance maritime, les énergies marines, la pollution des plastiques, la protection de la biodiversité, la gestion des données numériques, les villes intelligentes, la lutte contre la pauvreté, l’économie circulaire… sont des thématiques sur lesquelles peuvent se nourrir des points de convergences. Qualifié de « tournant », le projet Panoramed peut devenir l’étendard de la capitalisation des résultats et de l’affirmation de nouvelles ambitions. « Plus les parties prenantes capitaliseront, plus elles aideront les autorités locales sur le terrain » insiste Mislav Kovac, Chef du Service de la coopération transnationale et interrégionale au Ministère du développement régional et des fonds européens de la Croatie. Plusieurs revendications s’expriment néanmoins pour « réduire le fardeau pour les territoires » selon l’expression de Carmen Hernandez Martin, en charge, pour l’Espagne, de la coopération territoriale européenne : améliorer la coordination, clarifier les cadres d’intervention, simplifier les procédures de sélection et de montage des projets, supprimer les doublons, affiner les méthodes d’évaluation, raccourcir les processus de décision, mieux articuler les liens entre régions et Etats, développer une gouvernance multi-niveaux… Un appel collectif entendu par Mercedes Acitores du programme Interact qui agit en appui de plus d’une centaine de programmes de coopération européenne. « Nous pouvons apporter de la valeur ajoutée à Panoramed » dit-elle. « La cohérence est la 1ère étape de la simplification » note Jean-Marc Venineaux, en charge du management de la qualité pour les Stratégies macro-régionales à la DG Regio (Commission Européenne) tout en reconnaissant que « la maturation vers cette aspiration demeure longue ».
Interdépendance d’intérêts
L’évolution semble indispensable dans la perspective de l’ouverture souhaitée vers la rive sud. « Panoramed ne pourra pas changer toute la gouvernance méditerranéenne mais il apportera une petite pierre pour commencer » confie Claude Wohrer (Secrétariat général pour la mer, France). Plusieurs exemples de coopérations existent déjà, à commencer par le dialogue 5+5, le plus ancien cadre de rencontre entre pays du bassin méditerranéen. Alessandra Sensi (Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée) s’avoue convaincue qu’en appréhendant la Méditerranée dans son sens le plus large, « Panoramed porte une vision pour surmonter la fragmentation et souligner les éléments communs aux 43 pays du pourtour ». « Comment aborder la Méditerranée si la rive sud ne marche pas avec nous sur les projets ? L’Europe ira bien si la Méditerranée va bien » ajoute Agnès Rampal (Commission euroméditerranéenne, région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur, France). Personne n’ignore la complexité du chemin, ni les besoins nouveaux de financements qu’il exige dans un contexte de rationalisation des budgets européens. Interreg MED a posé des fondations pour voir plus loin. A Panoramed d’éclaircir l’horizon euroméditerranéen.

Article 6

Un appétit d’échanges et de projets concrets
A la conclusion de « Made in MED », les interrogations persistaient sur le sort financier que réservera l’Union européenne aux coopérations régionales. Mais l’envie d’approfondir encore et encore le destin euroméditerranéen reste réelle.
En prononçant les derniers mots de « Made in MED » le 19 avril, Maria Ludovica Agro, directrice de l’Agence pour la Cohésion Territoriale de l’Italie, résume l’événement en quatre points-clés : participation, renforcement, croissance et vision. Elle condense ainsi la valeur ajoutée impulsée par les différents réseaux déployés dans les pays membres d’Interreg MED pour s’atteler aux défis économiques, sociaux et écologiques complexes de la zone méditerranéenne. La richesse des débats, la diversité des acteurs institutionnels, scientifiques, associatifs, économiques, universitaires, démontre que tous les projets ne visent qu’à accroître le niveau de bien-être des citoyens, même si ces derniers peinent parfois à le percevoir.
Une certaine idée de l’Europe
Les orientations futures pour améliorer leur lisibilité dépendront évidemment des moyens accordés au plus haut niveau européen. « Nous luttons contre la perspective d’une réduction de 20% du budget de la coopération territoriale » confie Davide Strangis, secrétaire exécutif de la commission interméditerranéenne de la Conférence des Régions Maritimes Périphériques (CRMP), persuadé que « les coopérations transfrontalières maritimes évitent les dynamiques de division ». « C’est aux Etats membres de fixer le niveau de leurs ambitions » rappelle Jean-Marc Venineaux, en précisant que si les règles européennes peuvent apparaître rigides dans le processus de gestion partagée des fonds structurels, « chacun à son niveau doit pouvoir trouver le moyen le plus cohérent possible pour les faire coexister avec sa législation nationale afin d’éviter qu’elles constituent un frein au développement des projets pour leurs bénéficiaires ». Considérant que « le bassin méditerranéen est la zone la plus cruciale de l’Union Européenne », Patrizio Bianchi, conseiller régional pour le développement européen de la Région Emilie-Romagne, en Italie, estime inconcevable une baisse des ressources, compte tenu des enjeux à venir. « Actuellement, le projet européen ne souligne pas suffisamment l’importance de la zone méditerranéenne » juge-t-il, en partisan d’une « vision humble, mais forte ». Alexandros Samaras, représentant l’Autorité de gestion du Programme Interreg Balkan-Mediterranean appuie le propos : « La coopération est un objectif à atteindre, mais elle ne suffit pas. Elle se construit avec la confiance et une certaine idée de l’Europe ».
Tourner une nouvelle page
Plus les citoyens percevront l’impact des projets sur leur qualité de vie, plus leur sentiment d’appartenance à l’Europe progressera. « Nous cherchons à promouvoir une économie bleue durable compréhensible pour tout le monde » indique Christos Economou (DG Mare, Commission Européenne). Georges Kremlis (Directeur honoraire, en charge – inter alia – de l’économie circulaire dans les îles et des évaluations environnementales transfrontalières, Commission Européenne) milite pour une « vision partagée méditerranéenne » sur l’économie circulaire, Maria Prezioso (ESPON, Italie) pour « un langage commun » sur la croissance bleue, Antonio del Pino (Direction des fonds communautaires, Ministère des finances et de l’administration publique de l’Espagne) pour « un projet très ambitieux » sur Panoramed. « Les représentants de la rive sud commencent à comprendre pourquoi c’est important de faire ensemble, même si c’est difficile » note Vincent Ernoux (ENI CBC Med). Promoteur, au nom du Ministère de la Cohésion territoriale de la France, d’une « stratégie de bassin méditerranéen qui favorise la convergence sur des projets concrets », Hugo Bevort résume la volonté commune de tourner une nouvelle page, 28 ans après le lancement d’Interreg : « Nous ne pouvons plus nous satisfaire de coopérer pour coopérer ».